Critique film
Publié le 24/09/2025 à 10:25 par Grégory

Une Bougie pour le Diable

Affiche
8 /10
Marta et Veronica, deux sœurs célibataires, tiennent une pension dans un petit village espagnol où afflue depuis peu une horde de touristes étrangers. Scandalisée par le comportement prétendument indécent d’une cliente anglaise, Marta la tue de sang-froid et se convainc d’avoir rempli là le premier acte d’une mission divine...
"Une Bougie pour le Diable" (1973), réalisé par Eugenio Martín, est de ces films qui rampent lentement sous la peau. Dans un petit village espagnol écrasé de soleil, deux sœurs d’âge mûr tiennent une pension où les jeunes femmes "trop libres" ne sont pas les bienvenues. Ce qui commence comme un drame à l’ancienne vire peu à peu à l’horreur psychologique, teintée d’un fanatisme religieux glaçant. L’ambiance, à la fois étouffante et lumineuse, installe un malaise tenace dès les premières scènes.

Les deux actrices principales, Aurora Bautista et Esperanza Roy, livrent des performances d'une intensité rare. La première incarne l'autorité inflexible, presque inhumaine, tandis que la seconde, plus hésitante, est rongée par le doute et une forme de culpabilité muette. Leur relation, faite de non-dits et de frustrations, est au cœur du film. C’est à travers elles que se révèle le véritable monstre du récit : l’idéologie puritaine, figée dans une morale aussi poussiéreuse que dangereuse.

Le film, tout en retenue, ne cherche pas à choquer par la violence graphique. Il préfère l’insinuation, le hors-champ, le malaise diffus. L’horreur y est morale, sociale, presque invisible et c’est précisément ce qui la rend si efficace. Eugenio Martín filme une Espagne figée, étouffée par les jugements, la solitude et le poids du regard des autres. Il y a quelque chose de profondément triste dans cette histoire : ce n’est pas seulement un film d’horreur, c’est aussi une tragédie humaine.

Longtemps oublié, ce film mérite amplement d’être redécouvert. Il est à la croisée des chemins entre le giallo italien, le drame psychologique et la critique sociale. Sous ses dehors de petit thriller discret, il aborde des thématiques universelles : l’intolérance, la peur du changement, la violence du conformisme. Plus que jamais, ces sujets résonnent aujourd’hui avec force. Et si le rythme peut paraître lent pour certains spectateurs modernes, cette lenteur fait partie de sa puissance hypnotique.

En conclusion, "Une Bougie pour le Diable" est un film à part, étrange et dérangeant, qui explore avec subtilité les ténèbres humaines les plus ordinaires. Une œuvre discrète mais marquante, portée par deux comédiennes habitées et une mise en scène sèche, tendue, presque claustrophobe. Une pépite oubliée du cinéma espagnol, à (re)voir dans le silence, avec la chaleur qui pèse et les volets à demi-clos.
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