Avec "Stranger Things – Le Voyage", les auteurs Michael Moreci et Todor Hristov s’éloignent volontairement des repères familiers de la série Netflix pour proposer une variation atmosphérique et tendue de la franchise. Exit la petite ville de Hawkins : l’action se déroule cette fois sur les eaux glacées du Pacifique Nord, à bord du cargo Persephone, où un capitaine en difficulté financière accepte de transporter, pour le compte d’un groupe de scientifiques russes, une mystérieuse cargaison. Le lecteur comprend vite que cette dernière n’a rien de bénin.

Le choix du cadre maritime n’a rien d’anodin. Moreci construit son récit comme un véritable thriller claustrophobe, exploitant la promiscuité du navire, l’isolement total et la méfiance croissante parmi l’équipage. Le huis clos fonctionne à plein régime : les disparitions inexpliquées, les réactions nerveuses des scientifiques, puis la tempête qui condamne toute possibilité de fuite créent une tension progressive particulièrement efficace. L’auteur n’abuse jamais des effets horrifiques, préférant les suggérer et laisser l’atmosphère faire son œuvre.

Visuellement, Todor Hristov accompagne cette orientation par un dessin précis et sombre, où les couloirs métalliques du cargo deviennent de véritables pièges visuels. La palette de couleurs utilisée – froide, saturée, parfois métallique – renforce l’impression d’un univers fermé, presque suffocant. Les scènes mettant en scène la créature sont rares mais percutantes, privilégiant le choc et la lisibilité plutôt qu’une démonstration outrancière. Cette retenue graphique contribue à installer une dimension quasi réaliste, qui accentue l’anxiété du lecteur.

Ce qui distingue "Le Voyage" des autres déclinaisons de la licence, c’est sa volonté d’autonomie narrative. Le récit ne cherche pas à multiplier les clins d’œil ni à étendre artificiellement la mythologie. Il propose plutôt une histoire complète, structurée, dont les enjeux sont immédiatement compréhensibles même pour un lecteur qui ne connaît que vaguement la série. Pour les fans, la présence d’un Démogorgon suffit à rappeler l’ancrage dans l’univers sans parasiter l’intrigue.

En définitive, "Stranger Things – Le Voyage" s’impose comme une réussite discrète mais solide. Le comics ne révolutionne pas la franchise, mais en propose une utilisation intelligente, en déplaçant ses codes vers un territoire plus sombre et plus adulte. Ce choix audacieux permet d’explorer d’autres tonalités et confirme que l’univers de "Stranger Things" reste fertile lorsqu’il ose sortir de ses sentiers établis. Une lecture recommandée pour les amateurs de thriller maritime, de huis clos tendus et pour tous ceux qui souhaitent découvrir une autre facette de la saga.