Critique film
Publié le 28/08/2018 à 12h26 par Kévin Aubin
Carnivores
7,5 /10

Mona rêve depuis toujours d’être comédienne. Au sortir du Conservatoire, elle est promise à un avenir brillant mais c’est Sam, sa s½ur cadette, qui se fait repérer et devient rapidement une actrice de renom. À l’aube de la trentaine, à court de ressources, Mona est contrainte d’emménager chez sa s½ur qui, fragilisée par un tournage éprouvant, lui propose de devenir son assistante. Sam néglige peu à peu son rôle d'actrice, d'épouse, de mère et finit par perdre pied. Ces rôles que Sam délaisse, Mona comprend qu'elle doit s'en emparer.

Jérémie Renier et Yannick Renier sont demi-frères et connus pour être acteurs. Jérémie Renier est bien connu du grand public et s'essaye à tous genres de films. Repéré dans La Promesse des frères Dardenne, il joue Claude François dans le biopic musical de Florent Emilio Siri et plus récemment dans L'Amant double de François Ozon. Yannick Renier est moins connu du public et joue dans des films mineurs. Il se fait connaître grâce à sa participation à la série télévisée Septième ciel et les cinéphiles le remarquent dans Nue Propriété de Joachim Lafosse.

En 2018, les frères Renier passent tous deux pour la première fois derrière la caméra avec Carnivores. Sous ses airs de film de genre, le film est un thriller psychologique qui s'il ne prend pas trop de risques est rondement bien mené. Les frères Renier déroule un drame qui se joue entre deux s½urs qui ne peuvent pas briller ensemble, l'une éclipsant l'autre. C'est donc une confrontation sororale avec un jeu de faux-semblants à laquelle le spectateur assiste où l'univers mental de Mona prédomine. Ainsi, on apprend à connaître cette jeune femme, brillante, confrontée à la présence de sa s½ur cadette, torturée, dans une histoire sombre et prenante. Les deux réalisateurs joue de cette relation sororale en multipliant les twists scénaristiques au point que les deux s½urs rencontrent leurs pulsions même les plus sombres et laissent libre cours à leurs plus bas instincts. Bien évidemment, cela fait écho au spectateur et l'invite à s'immiscer totalement dans cette histoire révélatrice de la psychologie tortueuse de l'être humain. L'intrigue joue habilement avec le suspense avec une montée en puissance jusque dans les dernières minutes du film. Il est vrai que le film manque parfois de profondeur dans l'histoire qu'il raconte et reste un peu trop en surface dans certains passages. Mais le métrage a le mérite d'offrir quelques sorties de route intrigantes et est construit de façon à ne pas ennuyer le spectateur. Dans le sens où si le récit profile une mécanique bien huilée, il recèle de belles choses qui apportent une tonalité particulièrement étrange et inquiétante surtout dans la dernière partie du film.

Jérémie et Yannick Renier font preuve d'un vrai talent derrière la caméra. La mise en scène profite aux actrices, les décors sortent de no man's land urbain amènent cette dimension mystérieuse au film, la photographie aux couleurs froides et aux tonalités pâles vient accentuer la sensation d’étouffement et augmenter la tension et la bande-son aux sonorités parfois électroniques en devient hypnotisante. Une réalisation efficace dans le genre qui installe une ambiance intéressante tout du long.

Le film doit beaucoup à son duo d'actrices. Leïla Bekhti dans un rôle à contre-emploi trouve quelque chose de fragile qui utilise sa voie fluette et sa beauté silencieuse comme rarement par le passé. Zita Hanrot se révèle être particulièrement charismatique où elle imprime une sensualité et une force étonnante à l'écran. Les deux actrices, électriques, apportent une dimension obscure et envoûtante au film. Les acteurs secondaires sont là pour faire briller les deux actrices principales et arrivent à certains moments à se faire remarquer.

Pour leur première réalisation, Jérémie Renier et Yannick Renier signent un thriller troublant et intéressant qui s'il n'évite pas quelques ficelles évidentes du genre, offre un bon moment de cinéma. Le tout porté par les excellentes Leïla Bekhti et Zita Hanrot.

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